L’église Saint-Philibert à Villez-sous-Bailleul,
un exemple d’architecture
préromane
ou romane précoce
L’architecture
préromane ou romane précoce de Haute-Normandie a depuis longtemps retenu
l’attention de nombreux historiens de l’art et archéologues qui ont défini les
critères remarquables de ces édifices (1). Récemment, les travaux de
Jacques Le Maho et Jim Morganstern (2) sur l’église de Saint-Pierre de Jumièges
ont permis d’avancer sur ce sujet en reculant la date d’édification de ce
monument du XIe au IXe siècle. Ces recherches sur l’architecture et
l’art préroman sont menées également en Bourgogne, en Champagne et dans les
Pays de Loire sous la direction de Christian Sapin (3).
En
1997, un pré-inventaire des édifices dédiés à Saint-Martin, réalisé dans le
cadre du XVIe centenaire de ce saint, avait mis en valeur le
caractère précoce de plusieurs églises par rapport aux canons de
l’architecture de la seconde moitié du XIe siècle (4).
Sur les bases de ce premier travail, un inventaire plus large a été réalisé sur
les églises présentant des archaïsmes architecturaux en Haute-Normandie. Ce
corpus regroupe actuellement soixante dix huit églises, identifiées comme
préromanes ou romanes précoces.
Quelques
éléments historiques et toponymiques.
La première mention de Villez-sous-Bailleul date de 1025
dans une charte de Richard II (7) qui confirme la donation ou la restitution
par ses ancêtres à l’Abbaye de Saint-Ouen des paroisses de Villez, Bailleul,
Réanville et Saint-Pierre-la-Garenne. C’est pour cette raison que la vallée
située à proximité de ces villages est mentionnée dans différents textes
médiévaux sous le nom de Val Saint-Ouen. Ce texte montre également l’ancienneté
de ces villages dont la fondation remonte au moins à l’aube du XIe siècle ou
même au Haut Moyen-Age s’il s’agit de restitution faite suite aux incursions
scandinaves.
Cette ancienneté peut-être également confirmée par le nom de lieu Villez qui vient du bas latin Villare qui est une forme dérivée de Villa (8). Quant à Bailleul, ce nom vient d’un mot latin tardif d’origine gauloise Balliolum qui signifie cour ou enclos (9).
Le vocable Saint-Philibert ne nous apprend rien sur l’ancienneté de cette paroisse. En effet, nous disposons de peu de comparaisons avec d’autres églises portant ce nom. Pour les autres cas nous ne pouvons remonter guère avant le XIe siècle. Il est difficile dans l’état actuel de nos connaissances de dire si dès le Haut-Moyen-Age ce vocable fut donné à des édifices cultuels ou ce nom fut attribué après les incursions scandinaves au gré des pérégrinations des reliques de Saint-Philibert .
Cette ancienneté peut-être également confirmée par le nom de lieu Villez qui vient du bas latin Villare qui est une forme dérivée de Villa (8). Quant à Bailleul, ce nom vient d’un mot latin tardif d’origine gauloise Balliolum qui signifie cour ou enclos (9).
Le vocable Saint-Philibert ne nous apprend rien sur l’ancienneté de cette paroisse. En effet, nous disposons de peu de comparaisons avec d’autres églises portant ce nom. Pour les autres cas nous ne pouvons remonter guère avant le XIe siècle. Il est difficile dans l’état actuel de nos connaissances de dire si dès le Haut-Moyen-Age ce vocable fut donné à des édifices cultuels ou ce nom fut attribué après les incursions scandinaves au gré des pérégrinations des reliques de Saint-Philibert .
Vue générale de l’église prise du sud
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Description
architecturale.
Cette
église se compose d’une nef, d’un clocher situé dans le prolongement de la nef,
d’un transept et d’un chœur à chevet plat. Dans cette étude seule la nef est
abordée puisque c’est le seul élément de cet édifice qui fut construit en
architecture préromane ou romane précoce. La tour clocher a été édifiée au XVIe
siècle ainsi que le transept et le chœur. La curiosité de cet édifice est le
fait que la tour clocher ne soit pas située à la croisée du transept
mais entre la nef et ce dernier.
Mur Sud de la nef. Seule la partie la plus orientale comporte un appareillage en opus spicatum. La partie occidentale semble avoir été reconstruite
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Opus spicatum sur la partie orientale du mur sud de la nef.
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En effet, cette
église a été amputée d’au moins une travée lors de l’élargissement de la
voirie. Le mur occidental a été réédifié avec de nombreux réemplois sculptés.
Certains constituaient les éléments du portail occidental qui appartient
certainement à une seconde phase de cet édifice. Ceux-ci datent du début du
XIIe siècle étant donné les décors en bâtons brisés.
Eléments de réemplois sculptés dans le mur occidental de la nef. Ces éléments de décors datent du début du XIIe siècle et témoignent d’une seconde phase de construction de cet édifice. Ils furent réutilisés lors de la reconstruction de la façade occidentale de la nef quand l'église fut raccourci au XIXe siècle.
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Le mur nord de
la nef est mieux conservé. Dans sa majeure partie il se compose d’un
appareillage en opus spicatum. Seule son extrémité occidentale a
été refaite lors du raccourcissement de l’église. Ce mur comporte également une
fenêtre haute rebouchée. Cette petite ouverture est en arc de plein cintre avec
un linteau monolithe gravé de faux claveaux.
Détail de la petite fenêtre haute percée dans le mur nord de la nef. On distingue également le linteau monolithe gravé de faux claveaux.
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La
question de la datation.
Dans
l’état actuel de nos connaissances, ce type d’église se distingue
architecturalement des constructions de la seconde moitié du XIe siècle. Le
croisement des indices tels que l’architecture, les sources écrites, la
toponymie et les vocables nous permet d’avancer l’hypothèse de bâtiments
cultuels construits entre la seconde moitié du Xe siècle et la première moitié
du XIe siècle pour la plupart d’entre eux.
Malgré
quelques épisodes de guerres, les règnes des souverains normands Richard Ier et
Richard II ont été marqués par des périodes de paix et de prospérité favorables
aux fondations religieuses et on ne peut imaginer que ces souverains et leurs
proches ne se soient intéressés qu’aux seuls grandes fondations monastiques
tels que Jumièges, Saint-Ouen, Fécamp ou le Mont-Saint-Michel. D’autre part,
comment imaginer que toutes les églises paroissiales aient été construites plus
d’un siècle après la fondation de la Normandie ? Par ailleurs la
simplicité de l’architecture ce ces édifices peut s’expliquer par un besoin
urgent d’édifier des églises suite à l’épisode des incursions vikings de la
seconde moitié du IXe siècle et du début du Xe siècle.
Depuis
quelques années, des chercheurs comme Christian Sapin et Daniel Prigent ont
réalisé des datations au radiocarbone à partir de charbons de bois ou de bois
prélevés dans les mortiers d'églises ayant les mêmes caractéristiques
architecturales que celles abordées dans cet article.
Ces
analyses ont donné des résultats montrant que ces édifices cultuels pouvaient
avoir été édifiés entre la seconde moitié du Xe siècle et les premières
décennies du XIe siècle.
Depuis
2013, en Normandie, deux édifices ruraux appartenant au Corpus d’églises
romanes précoces ont été datés au radiocarbone pour leurs parties les plus
anciennes. Il s'agit de l'église Saint-Cyr et Sainte-Julitte à Pierre Ronde
(Commune du Mesnil-en-Ouche, Canton de Bernay, Département de l’Eure). Les
résultats des quatre prélèvements de bois nous permettent de proposer une
datation de ces éléments variant entre 944 et 1004 (974 +/- 30 ans).
Le
second exemple est l’église Saint-Agnan à Calleville (Canton de Brionne,
Département de l’Eure). Trois prélèvements de bois et un de charbon de bois
provenant des parties les plus anciennes du mur sud de la nef ont été datés par
le laboratoire de Lyon. Trois d’entre eux proposent une fourchette de datation
relativement large s’étalant entre la fin du VIIIe siècle et les dernières
années du XIe siècle. Un échantillon est sur une plage chronologique plus
resserrée entre les débuts du Xe et du XIe siècle.
Il
faut signaler que Pierre Ronde et Calleville ont des caractéristiques
architecturales très proches de Saint-Philibert à Villez-sous-Bailleul.
Relevé du mur nord de la nef. |
Nicolas Wasylyszyn
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Notes
:
(1)
Maylis Baylé, L'architecture normande au Moyen Âge. Dir. M. BAYLÉ, 2
vol., Caen - Condé sur Noireau, Presses universitaires de Caen - Corlet, 1997.
(2)
Jacques Le Maho, L’abbaye de Jumièges, Monum, éditions du patrimoine,
Paris 2001.
(3)
Christian Sapin, Pascale Chevalier et Christian Sapin, « ANR Corpus
architecturae religiosae europeae [CARE],
saec.
IV-X » , Bulletin du centre d’études médiévales d’Auxerre], 13 | 2009.
(4)
Nicolas Wasylyszyn, « Introduction au colloque, le XVIe centenaire de la mort
de Saint-Martin et la christianisation de la Normandie » , dans Haute-Normandie
Archéologique n°7, Centre de Recherches Archéologiques de Haute-Normandie,
Rouen,
2003
(5)
Jacques Le Maho, Nicolas Wasylyszyn, Saint-Georges-de-Boscherville : 2 000
ans d’Histoire, Groupe de Recherches Archéologiques du Pays de Caux,
Association Touristique de l’Abbaye Romane, Rouen, 1998.
(6)
Nicolas Wasylyszyn, « Saint-Philbert-sur-Risle, fouille du prieuré Saint-Pierre
», dans Haute-Normandie Archéologique n°7, Centre de Recherches
Archéologiques de Haute-Normandie, Rouen, 2003.
(7)
Marie Fauroux, Recueil des actes des Ducs de Normandie de 911 à 1066, dans
Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie tome XXXVI, Caen, 1961,
Texte 53, pp. 168-173.
(8)
François de Beaurepaire, Les noms des
communes et anciennes paroisses de l’Eure, Picard, Paris, 1981, p. 209.
(9)
François de Beaurepaire, Les noms des
communes et anciennes paroisses de l’Eure, Picard, Paris, 1981, p. 186
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